Prolégomènes à une approche expérientielle de la traduction

Prolegomena to an Experiential Approach to Translation

Résumés

Il est aujourd’hui acquis qu’en traduction, une restitution optimale du sens du texte de départ repose en grande partie sur la mobilisation du bagage cognitif du traducteur. Cela étant, ce bagage est généralement limité aux savoirs conceptuels abstraits, cérébraux, spontanément assimilés aux connaissances encyclopédiques. Or, certains types de textes, quel qu’en soit le domaine, font appel à la mémoire sensori-motrice ou expérientielle – du traducteur comme du lecteur. Ainsi, en traduction littéraire, certains textes donnent à voir, à entendre ou à ressentir : descriptions, dialogues ou scènes d’action, par exemple. En traduction pragmatique, certains textes opératifs – instructions d’utilisation, modes d’emploi, instructions de montage – sont eux aussi susceptibles de faire appel à la mémoire kinesthésique du lecteur et donc, à celle du traducteur. La présente réflexion se propose ainsi d’explorer les fondements et enjeux théoriques, pratiques et didactiques d’une approche dite « expérientielle » de la traduction.

It is widely accepted that in translation, an optimal rendering of the meaning of the source text extensively relies on the mobilisation of the translator’s cognitive baggage, which is generally limited to abstract, cerebral conceptual knowledge, spontaneously assimilated to encyclopaedic knowledge. However, certain types of texts, whatever the field, call upon the sensory-motor or experiential memory of both the translator and the reader. In literary translation, some texts make the reader see, hear or feel, in descriptions, dialogues or action scenes, for example. In pragmatic translation, certain operative texts (such as instructions for use, user manuals or assembly instructions) are also likely to appeal to the reader’s kinaesthetic memory and thus to that of the translator. The present study proposes to explore the theoretical, practical and didactic foundations and issues of an "experiential" approach to translation.

Index

Mots-clés

traduction professionnelle, didactique de la traduction, approche expérientielle

Keywords

professional translation, translation didactics, experiential approach

Texte intégral

Il est aujourd’hui acquis qu’en traduction, une restitution optimale du sens du texte de départ repose en grande partie sur la mobilisation du bagage cognitif du traducteur, défini comme l’« ensemble des connaissances acquises qui constituent le savoir permanent d’une personne » (Delisle, 2013 : 644). C’est dans cette optique qu’est valorisé le rôle de la culture générale en traduction (Collombat, 2006), cette culture générale étant entendue « non comme juxtaposition de savoirs spécialisés, mais comme unité organique des connaissances, dans les sciences comme dans les humanités » (Tavoillot, 2007 : 16). À ce bagage cognitif s’agrègent le « contexte cognitif », soit l’« ensemble des informations que le traducteur enregistre au fur et à mesure qu’il lit et analyse le texte de départ et dont dépend sa compréhension » (Delisle, 2013 : 649) et les « compléments cognitifs », c’est-à-dire les « connaissances extralinguistiques mobilisées par le traducteur au moment où il cherche une équivalence et qui contribuent à la constitution du sens », notamment « les renseignements concernant l’auteur et les destinataires du texte, la connaissance du domaine et le contexte cognitif » (Delisle, 2013 : 648).

Cela étant, qu’ils soient considérés comme un fonds permanent ou comme un ensemble extensible, le bagage, le contexte et les compléments cognitifs sont généralement limités aux savoirs conceptuels abstraits, cérébraux, mentaux, généralement assimilés aux connaissances encyclopédiques (Lederer, 2015 : 30), celles-ci pouvant être plus ou moins conscientes : le terme même de « savoir », utilisé dans maintes définitions du bagage cognitif, renvoie ainsi à un « ensemble de connaissances plus ou moins systématisées, acquises par une activité mentale suivie » (Le Petit Robert de la langue française, 2021). Toutefois, même si Lederer va au-delà de la seule composante intellectuelle du bagage cognitif lorsqu’elle mentionne les aspects émotionnels ou affectifs des compléments cognitifs et affirme que le bagage cognitif est aussi constitué de faits d’expérience et d’émotions (2015 : 29), le rôle de la composante émotionnelle n’est que rarement mis directement en lien avec le processus traductionnel, qui est plus souvent qu’à son tour ramené à un bagage cognitif intellectualisé.

Or, il apparaît que certains types de textes, quel qu’en soit le domaine, font appel à la mémoire sensorielle ou expérientielle – du traducteur comme du lecteur, d’ailleurs. Ainsi, en traduction littéraire, certains passages donnent à sentir ou à ressentir : les descriptions peuvent donner à voir et, dans une illusion d’oralité, les dialogues peuvent donner à entendre. À l’occasion, certaines scènes d’action doivent, par souci de vraisemblance, faire appel à une certaine forme de mémoire kinesthésique. En traduction pragmatique, si l’on se fonde sur la typologie textuelle de Reiss (2009 : 110), les textes opératifs – du moins certains d’entre eux – sont eux aussi susceptibles de faire appel à la mémoire kinesthésique du lecteur et donc, à celle du traducteur. C’est le cas notamment de textes techniques comme des instructions d’utilisation, modes d’emploi, instructions de montage.

La présente réflexion se propose ainsi d’ouvrir la voie à une approche expérientielle du bagage du traducteur et d’explorer les moyens d’introduire des éléments immersifs permettant d’en favoriser l’application dans l’enseignement de la traduction.

Mais avant de poursuivre, puisque ces lignes se destinent autant à des traductologues qu’à des didacticiens des langues, il est important d’apporter en préambule deux précisions essentielles. Premièrement, rappelons qu’il est ici question de traduction professionnelle – laquelle se définit comme un acte de communication fondé sur l’interprétation et la production de discours contextualisés réels visant à rendre accessible le contenu d’une offre d’information produite dans une autre langue, soit parce que celle-ci est incomprise des destinataires, soit pour des raisons politiques (d’après Delisle, 2013 : 690) – et non de traduction didactique, qui prend essentiellement la forme d’exercices utilisés dans le cadre de l’apprentissage des langues et du perfectionnement linguistique, à des fins d’acquisition ou de développement de vocabulaire ou de structures syntaxiques. En traduction professionnelle, la langue – ou les langues – est un outil, un vecteur de communication ; en traduction didactique, la langue est la finalité. Là où la première est une modalité de communication, la seconde est une pratique pédagogique glossocentrée. Les deux ne sont pas incompatibles mais, sur le continuum d’apprentissage du futur traducteur, l’apprentissage des langues précède celui de la traduction professionnelle : la convocation des connaissances extralinguistiques, même si elle n’est pas totalement absente de la traduction didactique, est davantage l’apanage de la traduction professionnelle.

Deuxièmement, cette réflexion porte sur la traduction professionnelle de textes autant pragmatiques – c’est-à-dire ayant une utilité généralement immédiate et éphémère, qui servent à transmettre une information d’ordre général ou propre à un domaine spécialisé (d’après Delisle, 2013 : 17) – que littéraires, soit ressortissant au domaine littéraire (fiction, essais, récits, poésie, théâtre, etc.) et diffusés au moyen d’un processus éditorial. Si la traduction pragmatique et la traduction littéraire sont caractérisées par des conditions d’exercice différentes, les traducteurs étant dans le premier cas des prestataires de service et dans l’autre, des auteurs, le processus de traduction en lui-même reste à mon avis commun aux deux domaines.

D’une manière générale, la didactique de la traduction professionnelle est presque exclusivement centrée sur la composante cognitive du sens à restituer, minimisant ou contournant les aspects affectifs ou émotifs. L’on peut voir dans cette occultation une rémanence de la crainte de la manipulation du sens par un traducteur-agent tenté d’opérer des « interventions subjectives […] subordonnées à [sa] seule volonté […] pour des raisons historiques, idéologiques, politiques ou d’appartenance à une communauté socioculturelle donnée » (Bastin, 2007 : 39) – une résurgence du traducteur-traître semant ici ou là ses chevaux de Troie idéologiques (Collombat, 2016). Pourtant, bien maîtrisés, des compléments autres que purement cérébraux peuvent être mis à profit pour optimiser l’expérience du destinataire.

Marianne Lederer est l’une des rares traductologues à avoir évoqué les aspects affectifs ou émotifs, qu’elle place néanmoins sous l’égide des compléments cognitifs :

L’affectif et le cognitif étant physiologiquement inséparables et ayant tous deux leur origine dans le cerveau, je les englobe sous le seul terme de compléments cognitifs et dans ceux-ci, je distingue pour un découpage d’un autre ordre, le bagage cognitif, connaissances linguistiques et extralinguistiques emmagasinées à plus ou moins long terme dans la mémoire, et le contexte cognitif constitué par les connaissances acquises à la lecture du texte, conservées en mémoire à court terme et servant à l’interprétation des segments de texte suivants. (Lederer, 1994 : 37)

Lederer effleure de fait la question des émotions, lorsqu’elle dit par exemple que le bagage cognitif est « constitué de souvenirs (d’autres diraient de représentations mentales), de faits d’expérience, d’événements qui ont marqué, d’émotions » (Lederer, 1994 : 37). On relèvera d’ailleurs dans cette formulation l’usage de mots de la langue générale (« souvenirs », « événements qui ont marqué », « émotions »), avec une timide tentative de rationalisation, par le recours au terme de « représentations mentales ». La pensée, qui semble ici intuitive, ne demande qu’à être développée.

Si le terme de « compléments émotifs » fait l’objet d’une entrée dans le glossaire de La traduction raisonnée, il n’est par contre jamais utilisé dans le manuel, sauf sous forme de simple renvoi au glossaire. La définition qui en est donnée, « émotions vécues dans le passé qui ressurgissent à la lecture d’un texte et contribuent à la saisie du sens » (Delisle, 2013 : 648), est d’ailleurs discutable, dans la mesure où rien ne garantit qu’une émotion qui « ressurgit » (processus que l’on imagine plus ou moins contrôlé) permette de saisir le « sens » d’un texte ; il semblerait plus juste d’affirmer que cette émotion en favoriserait l’interprétation – ou une interprétation –, laquelle ne saurait être confondue avec le sens du texte, c’est-à-dire le vouloir-dire de l’émetteur. Ce double constat – le fait que le terme ne soit pas mis en contexte dans un manuel de traduction et que sa définition soit quelque peu ambiguë – laisse supposer que la manière dont ces compléments émotifs interviennent dans le processus de traduction n’est ni expliquée, ni appliquée à la didactique de la traduction professionnelle. C’est ce que ma réflexion préliminaire se propose d’amorcer.

La prise en compte du bagage émotionnel ou affectif en traduction professionnelle revêt deux aspects principaux. Tout d’abord, en didactique de la traduction, où

la composante socio-affective est encore trop rarement évoquée. Pourtant, il est un mot-clé fondamental qui détermine l’attitude des traducteurs et apprentis-traducteurs à l’égard de la tâche à effectuer et des autres intervenants dans la chaîne de production de la traduction : cette pierre angulaire, c’est la confiance (Collombat, 2009 : 49).

Il s’agit ici autant de confiance en soi – le manque d’assurance conduisant trop souvent à l’erreur – que de confiance dans l’enseignant, laquelle est essentielle dans une discipline où le travail sur l’erreur est central. Dans cette optique, il est fondamental que l’apprenant accepte de commettre des erreurs et de voir celles-ci corrigées.

Ensuite, dans l’exercice même du métier, dans la perspective de la compétence professionnelle. Ainsi, dans le modèle tridimensionnel de Le Boterf (2011 : 227), l’« agir avec compétence » repose sur la dynamique entre trois composantes : le « savoir-agir », dont relève le savoir-faire disciplinaire ou technique proprement dit, le « pouvoir-agir », qui touche à l’organisation du travail et au contexte d’exercice, et le « vouloir-agir », qui concerne essentiellement les aspects motivationnels et émotionnels du professionnel. La compétence du professionnel ne dépend donc pas exclusivement de son savoir (ou savoir-faire) disciplinaire ou technique, mais de l’équilibre entre les trois pôles de l’agir. Autrement dit, il ne suffit pas de savoir traduire pour être un traducteur professionnel compétent.

La prise de conscience de l’intervention d’autres paramètres dans le processus de traduction s’est faite à la suite d’une expérience menée en classe de Master 1 en traduction à l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT). Le point de départ a été une activité pédagogique réalisée dans un cours de préparation à la traduction technique, qui visait à faire travailler les étudiants sur des textes opératifs. L’objectif était de leur faire expliciter des processus techniques tenant compte des destinataires et de la situation de communication. Le « texte » de départ était un fascicule comportant les instructions de montage d’un meuble Ikea : ce document, exclusivement iconique, décrivait le montage d’une table basse. En classe, les étudiants devaient travailler en petits groupes – toutes combinaisons linguistiques confondues – et produire un document rédigé à l’usage de consommateurs francophones. Le travail en équipe visait à les contraindre à une verbalisation orale et à favoriser la rétroaction par les pairs.

Les observations réalisées pendant cette activité ont montré les faits suivants : premièrement, les étudiants essayaient tous de se référer à une expérience vécue, que ce soient des séances de bricolage avec leurs parents ou le montage récent d’un meuble. Deuxièmement, ils essayaient de visualiser – et de faire visualiser à leurs pairs – la situation avant de la verbaliser. Et troisièmement, ils tentaient de combler le défaut de terminologie (désignation des objets) ou de phraséologie (explicitation des processus) en s’expliquant mutuellement les actions décrites au moyen de gestes, qui semblaient destinés autant à faire voir une action à un interlocuteur qu’à favoriser la remémoration d’une action accomplie antérieurement.

Il est dès lors clairement apparu que la conceptualisation et la verbalisation prenaient d’autres voies que la seule voie cognitive, la cognition étant définie « comme l’ensemble des capacités mentales permettant l’acquisition et le maintien de connaissances », correspondant « à la faculté de traiter, de transformer et d’emmagasiner des informations pour les réutiliser » (Ska et Joanette, 2006 : 284).

Il semblait y avoir là l’illustration du propos de Merleau-Ponty affirmant : « La signification conceptuelle des mots se forme par prélèvement sur une signification gestuelle qui, elle, est immanente à la parole » (1945 : 209). Une première piste du côté de l’anthropologie du geste peut paraître prometteuse en ce qu’elle permettrait d’inclure la notion de « pensée » ou de « mémoire » du corps : « L’action dépend à la fois du cerveau et du muscle. En réalité, l’homme pense avec tout son corps ; il pense avec ses mains, ses pieds, ses oreilles aussi bien qu’avec son cerveau » (Janet, cours au Collègue de France du 15 avril 1926, cité par Jousse [1974] 2008 : 704-705). Cette approche n’est pas sans évoquer le sens pratique tel que le définit Bourdieu (1980 : 111), comme une « visée quasi-corporelle du monde qui […] oriente des “choix” qui pour n’être pas délibérés, n’en sont pas moins systématiques, et qui sans être ordonnés et organisés par rapport à une fin, n’en sont pas moins porteurs d’une finalité rétrospective ».

En somme, lorsqu’il traite de l’information, en réception comme en émission, le traducteur navigue entre le cognitif et l’affectif, en passant par le kinesthésique, psychomoteur ou, plus précisément dans le cadre de notre réflexion, le sensori-moteur. C’est encore du côté de la didactique que l’on peut ainsi trouver le terme manquant de notre équation :

When it comes to education, there are three separate learning domains: (1) affective, (2) cognitive, and (3) psychomotor.
Following are descriptions of these domains:
1. Cognitive domain: This domain involves knowledge and the development of intellectual skills.
2. Affective domain: This domain includes the manner in which we deal with things emotionally.
3. Psychomotor domain: This domain includes physical movement, coordination, and the use of motor skills. (Lengel & Kuczala [dir.], 2010 : 144)

Pour les didacticiens, d’ailleurs, la compétence est définie comme

un savoir-agir complexe qui fait suite à l’intégration, à la mobilisation et à l’agencement d’un ensemble de capacités et d’habiletés (pouvant être d’ordre cognitif, affectif, psychomoteur ou social) et de connaissances (connaissances déclaratives) utilisées efficacement, dans des situations ayant un caractère commun. (Lasnier, 2001 : 30)

S’il est ici question des compétences de l’apprenant dans un contexte didactique, il est néanmoins possible d’en étendre la définition aux compétences du professionnel, en établissant un lien avec Le Boterf, spécialiste des compétences en milieu professionnel, pour qui « la compétence est un savoir agir responsable et validé qui permet de mobiliser, intégrer et transférer des ressources, connaissances et capacités dans un contexte professionnel » (1994 : 10).

Incidemment, cette triade – cognitif, affectif, sensori-moteur – n’est pas sans rappeler celle de la typologie textuelle mise de l’avant dans les théories fonctionnalistes de la traduction, formalisée par Reiss (2009 : 125). Reiss1 distingue en effet les textes informatifs ou référentiels (« transmettant un contenu informationnel »), les textes expressifs (« transmettant un message mis en forme suivant des critères esthétiques ») et les textes opératifs (« dans lequel le message est textualisé suivant une stratégie persuasive »). Les textes informatifs semblent ainsi correspondre au bagage cognitif, les textes expressifs, au bagage affectif et les textes opératifs, qui visent principalement à permettre au destinataire d’accomplir une action ou de reproduire un processus (modes d’emploi, instructions de montage, etc.), peuvent être reliés au bagage sensori-moteur. Reiss ajoute les textes multi-sémiotiques (2009 : 125) – que je nommerais « multimodaux » –, qui combinent plusieurs modalités textuelles dans un même énoncé : peuvent être classés dans cette catégorie les textes descriptifs, qui informent autant qu’ils expriment tout en faisant appel au sensoriel.

C’est à ce stade que prend son sens cette observation de Boulanger (2004 : 57) pour qui « la traduction, dans sa pratique surtout, mais dans sa théorisation aussi, se fait dans l’impondérable propre à chaque nouvelle rencontre d’un corps textuel et d’un corps traduisant ». Voir le traducteur non plus comme un simple « agent » traduisant mais comme un « corps » traduisant permet d’envisager son agir dans tout son ressenti, plus ou moins verbalisé, plus ou moins conscient, véritables limbes de l’implicite et de l’interlangue. Ce lien « primitif », voire « primal », entre langage et corps est d’ailleurs exprimé, y compris dans un contexte d’apprentissage, par certains linguistes, notamment Lapaire (2005 : 21), qui rappelle que « les éléments lexicaux qui servent à construire les systèmes grammaticaux de localisation sont primitivement liés au corps et à certaines données de l’expérience ».

Bien qu’elle tende aujourd’hui vers l’holisme – perspective que pour ma part je prône avec conviction –, la traductologie tend encore généralement à opposer les textes littéraires et les textes pragmatiques, jusque dans la méthodologie de la traduction. Or, l’approche qui se profile ici peut indifféremment s’appliquer à la traduction littéraire et à la traduction technique. En effet, l’intervention du corps traduisant peut s’avérer nécessaire à l’expérience immersive du corps lisant lorsqu’il s’agit de rendre des passages donnant à voir ou à entendre, tels que des descriptions, des dialogues ou des scènes d’action. L’idée d’une approche corporelle ou sensorielle du texte à traduire était d’ailleurs déjà présente en filigrane chez Vinay et Darbelnet ([1958] 1977), qui préconisaient que le traducteur visualise la situation et parlaient à l’occasion de « film de l’action », par exemple dans la traduction du chassé-croisé.

En traduction de l’anglais au français, l’on sait qu’il est particulièrement difficile de rendre de façon vivante et idiomatique les passages descriptifs et les scènes d’action : en anglais, la juxtaposition d’adjectifs facilite la perception quasi immédiate d’un visuel, tandis que les phrasal verbs permettent de saisir instantanément un procès. Autant d’atouts syntaxiques et grammaticaux pour les descriptions et les scènes d’action dont ne dispose pas forcément le français, langue plus analytique privilégiant souvent « le plan de l’entendement » au « plan du réel » (Vinay et Darbelnet, [1958] 1977 : 58).

Prenons par exemple les premières lignes d’un roman d’action, The Big Bang, de Mickey Spillane et Max Allan Collins (2010) :

They cut the kid off at the corner, driving his motorbike into the curb and spilling him across the sidewalk into the brick wall of an apartment building. Two of them came out of the back seat of the old Sedan that skidded to a stop, their shoulder-length hair flying, bell-bottoms flopping – one in a leather vest and no shirt had a short, tape-wrapped billy and the other in a tie-dye T-shirt sported a double length of bicycle chain ready to whip into the head of the groggy short-haired kid in striped top and jeans on the sidewalk.
What they didn’t figure out was me being in the doorway and when I stepped out and smashed the tie-dye slob with the chain, his face seemed to explode into a bloody mess, and he backflipped to the pavement and slid under the car he’d just left.
The other one stopped the swing of the billy halfway down and tried to turn on me instead, and all I could think of was who the hell chintzy little shits thought they were with their scruffy beards and spindly needle-pocked limbs, taking on an old tiger. I broke billy boy’s arm between the wrist and elbow, took half his teeth out, snapped his jaw loose from its hinges, and sent the bastard’s balls on a trip way up inside him with one beautiful placed kick, landing him halfway out in the gutter.

L’une des forces de cet extrait, très visuel, est qu’il intègre des éléments descriptifs (tenues vestimentaires, essentiellement) à un récit d’action présentant un rythme haletant. Les personnages sont vite campés, et quelques détails relevant du cliché suffisent pour savoir qui sont les « méchants » et qui sont les « gentils ». Les descriptions ne ralentissent pas la lecture, qui demeure immersive. Contrairement à l’idée répandue, le rythme effréné de ce récit n’est pas soutenu par des phrases courtes, celles-ci étant au contraire inhabituellement longues. La traduction citée ci-dessous a été effectuée par Thomas O. St-Pierre2, alors étudiant de la maîtrise en terminologie et traduction de l’Université Laval (Québec), dans le cadre d’un séminaire de traduction littéraire. J’y ai apporté quelques modifications ; en particulier, afin d’en fluidifier la lecture pour un lectorat francophone européen, je me suis efforcée d’en gommer les québécismes.

Bloquée à l’intersection par l’auto déglinguée, la moto a percuté violemment le trottoir, envoyant son jeune conducteur s’aplatir contre le mur de briques d’un immeuble résidentiel. Cheveux longs et pantalons à pattes d’éléphant au vent, les deux occupants de la banquette arrière sont sortis de la voiture qui s’est immobilisée en travers de la chaussée dans un crissement de pneus. Le premier, veste de cuir sur torse nu, tenait une courte matraque recouverte de ruban adhésif. L’autre, en tee-shirt psychédélique, avait en main une double longueur de chaîne de vélo, prêt à faire éclater la tête du jeune motocycliste aux cheveux courts, en jean et haut rayé, encore sonné sur le trottoir.
Malheureusement pour eux, j’étais là, dans l’embrasure de la porte. Je me suis avancé ; quand j’ai frappé le voyou en tee-shirt, sa face a explosé en un feu d’artifice sanglant. Après un salto arrière sur le bitume, il a glissé sous la voiture dont il venait de sortir.
L’autre a stoppé net son swing de matraque à la moitié du chemin qui le menait vers sa victime et a tenté de dévier son coup vers moi. Une seule pensée m’a traversé l’esprit : mais pour qui donc se prenaient ces petits trous du cul aux barbes pouilleuses et aux bras rachitiques couverts de piqûres de seringue, pour oser s’en prendre à un vieux tigre comme moi ? J’ai cassé l’avant-bras du débile à la matraque, je l’ai débarrassé de la moitié de ses dents, j’ai provoqué le divorce de ses mâchoires et, d’un coup de pied magistral, je lui ai remonté les couilles au niveau de l’estomac avant de le laisser s’avachir dans le caniveau.

Il est évident qu’un traducteur s’attelant à la difficile tâche de donner vie à ce passage en français ne fera probablement pas appel à son vécu personnel : il se réfèrera plutôt à son expérience de lecteur de scènes d’action ou, plus probablement, de spectateur de film d’action. C’est ainsi qu’il jouera, comme il est d’usage dans ce genre littéraire ou cinématographique, avec les lois de la physique et la vraisemblance, pour produire une scène d’action presque burlesque malgré la violence de certains détails, qui rejoindra l’horizon d’attente des lecteurs – comme dans l’extrait ci-dessus, où le « salto arrière » (qui est le fruit d’une de mes interventions dans le texte) relève clairement d’une exagération attendue en contexte. En effet,

Dans le film d’action, tous les corps ne sont pas des corps souffrants, ou en tout cas ne souffrent pas avec la même gravité. Le dépassement des normes de la vraisemblance physique par le gigantisme chorégraphique des scènes d’action rejoint le burlesque, y compris dans des films sérieux, à l’image de Tom Cruise projeté sur le nez d’un Eurostar par le souffle de l’explosion d’un hélicoptère dans Mission : Impossible. (Angiboust, 2010 : 666)

C’est donc grâce au recours conscient à une intertextualité intersémiotique que le traducteur donnera à son lecteur à voir et à entendre, afin de lui offrir l’expérience sensorielle immersive à laquelle il s’attend.

En traduction technique, selon le type de texte à traduire, le traducteur a le choix d’appliquer différentes méthodes de recherche documentaire, au sens large : pour comprendre certains concepts, il peut effectuer des recherches documentaires et terminologiques dans des textes, lesquelles seront utilement complétées par une recherche iconographique favorisant la visualisation de certains éléments techniques ou le visionnement de vidéos illustrant la réalisation d’un processus ou le fonctionnement d’une machine, par exemple. Évidemment, les trois sont susceptibles d’être combinées.

Pour la traduction de textes opératifs tels que les notices d’utilisation ou les instructions de montage, c’est-à-dire de documents destinés à guider des manipulations effectuées par les lecteurs, le traducteur devrait s’assurer que sa traduction répond bien à la fonction qui lui est assignée et que les processus qu’il y décrit sont clairement applicables par les destinataires visés. Ainsi, idéalement, il devrait reproduire lui-même les processus décrits, ce qui non seulement lui permettrait de les comprendre, mais aussi de les faire comprendre par le truchement d’une réexpression pertinente. En clair, pour paraphraser le titre français de How to Do Things with Words (1962, posthume) du philosophe anglais John Langshaw Austin, qui traite essentiellement de la fonction performative du langage, Quand dire, c’est faire, il s’agirait pour le traducteur de textes opératifs de faire, pour (re)dire.

Une autre expérience a donc été menée dans le cadre d’un cours de traduction technique donné à l’ESIT en 2017 et en 2018, après qu’ont été présentées les possibilités offertes par une démarche expérientielle en complément à une méthodologie plus traditionnelle pour la traduction de textes techniques opératifs. Les étudiants devaient préparer un exposé oral fait en équipe, fondé sur une présentation de leur texte et de leur traduction mettant l’accent sur leur mode de collaboration et de résolution des problèmes de traduction. Il s’agissait autant de favoriser l’émergence de compétences transversales (aptitude au travail en équipe) que de leur permettre d’être créatifs dans leur approche du texte à traduire. J’ajoute que le fait d’avoir le choix du texte de départ (et de leurs coéquipiers) a stimulé les étudiants, qui ont, de leur propre aveu, travaillé avec autant d’acharnement que de plaisir. Ce paramètre permettait aussi de garantir un recours minimal à l’expérience passée et donc, la convocation d’un bagage expérientiel.

Trois équipes se sont démarquées lors de cet exercice : les Tricotrices, tout d’abord, qui avaient choisi de traduire un extrait d’un tutoriel de tricot de niveau avancé. L’une des coéquipières pratiquait un peu le tricot, et la mère d’une autre, plus experte, leur a servi de spécialiste référent. À un moment où la seule lecture du texte original ne permettait pas de déterminer si le processus décrit correspondait à du point de blé ou à du point de riz, les coéquipières ont décidé d’appliquer le tutoriel tel quel pour en valider leur compréhension, ce qui leur a permis d’affiner et de clarifier la formulation. Lors de leur présentation en classe, elles ont fait circuler les échantillons de tricot afin d’illustrer leur exposé : l’auditoire a particulièrement apprécié de pouvoir manipuler le résultat concret de leur démarche. Leur approche était intelligente et créative d’un point de vue méthodologique autant que pédagogique.

Une semaine plus tard venait le tour des Marmitonnes, qui avaient opté pour la recette d’un « Gâteau malté au caramel magique et nappage chocolat », classée à un niveau « expert ». Leur exposé s’est avéré captivant, entre autres parce que leur démarche, parfaitement maîtrisée, les a conduites autant à expliquer, schémas au tableau à l’appui, l’hydrolyse du sucre – phénomène qui sous-tend la fabrication du caramel magique (honeycomb), un caramel alvéolé croustillant et léger – qu’à exposer les différents essais de reproduction de la recette, tout en restant imperturbables face aux autres étudiants qui, à plusieurs reprises, leur demandaient si elles avaient apporté le gâteau. À la fin, grâce à des complices parmi les autres élèves, elles ont sorti un gâteau parfait qu’elles ont partagé à la fin du cours, lequel se terminait fort opportunément vers midi. Cette expérience pédagogique s’est avérée plus que concluante, car elle combinait idéalement des approches cognitive (explications scientifiques), affective (le choix d’une recette de gâteau, par nature conviviale) et sensori-motrices (reproduction de la recette et… dégustation collective), et ce, autant dans la démarche de traduction que dans l’approche pédagogique.

Toujours en traduction technique, l’année suivante, deux étudiantes se sont donné pour défi de traduire un tutoriel de cosplay ou « costumade » (recommandation officielle en français3), soit l’« activité axée sur la personnification, qui consiste à se costumer en personnage de fiction, issu d’un jeu vidéo, d’une bande dessinée ou d’un film d’animation, et à jouer en public son personnage en imitant son comportement » (Office québécois de la langue française, 2010). Les cosplayeurs qui participent aux concours organisés dans le cadre des conventions internationales doivent fabriquer eux-mêmes leur costume – même si, dans certaines conventions, les costumes achetés sont acceptés, à la condition que le cosplayeur y ait apporté sa touche personnelle par des accessoires originaux, par exemple. Nos cosplayeuses avaient décidé de fabriquer la couronne elfique du roi Thranduil, personnage du Seigneur des anneaux. Leur exposé, exhaustif, a fait état autant de difficultés purement techniques – par exemple, leurs nombreux essais liés à la difficulté de trouver les bons polymères pour fabriquer les branches de la couronne – que des décisions prises pour faciliter la tâche des destinataires. En effet, les cosplayeurs sont des amateurs, qui consacrent leurs deniers propres et leur temps libre à la fabrication de leurs costumes : les deux étudiantes ont donc décidé de chronométrer la fabrication de la couronne afin de les aider à planifier les opérations. Le tutoriel original en anglais était d’ailleurs destiné à des cosplayeurs états-uniens : les fournisseurs indiqués étaient ainsi tous nord-américains, et le prix des matériaux, donné en dollars des États-Unis. Elles ont passé beaucoup de temps à trouver les matériaux équivalents disponibles en France, ce qui n’a pas été sans mal, puis ont chiffré la fabrication de la couronne en euros. À la fin de leur exposé, elles ont présenté aux autres étudiants une couronne ressemblant à s’y méprendre à l’original. Finalement, leur démarche illustrait à merveille les théories fonctionnalistes de la traduction – ce qu’elles ont d’ailleurs explicité – de même que l’approche expérientielle que je souhaitais tenter de formaliser.

Au terme de cette ébauche de réflexion, fondée sur des observations et étayée par des supports théoriques, j’en arrive à définir ce que j’entends par « approche expérientielle » : il s’agit d’une approche de la traduction professionnelle fondée sur l’expérience – en ce qu’elle « renvoie […] à l’histoire de l’individu et implique ce qu’il a accumulé comme informations, sensations, images, idées, attitudes, valeurs, etc., au fil du temps » (Côté, 2003 : 13) –, ainsi que les expériences ou expérimentations – définies comme « le fait de provoquer un phénomène dans l’intention de l’étudier » (Le Petit Robert de la langue française, 2022) – menées de manière systématique et analytique par le traducteur. Cette approche, combinée aux méthodologies classiquement appliquées à la résolution de problèmes de traduction – recherche documentaire et terminologique, détermination et application d’un postulat traductif en lien avec les questionnements fonctionnalistes – optimise la production de textes opératifs ou descriptifs congruents.

La mise en œuvre de la démarche expérientielle se combine utilement à la posture du praticien réflexif4, en ce qu’elle nécessite que le traducteur ait une conscience aiguë de ses expériences passées – parfois reléguées aux tréfonds de sa mémoire –, qu’il les objective, et qu’il sache les convoquer en temps opportun. Réflexivité et « savoir-mobiliser », pour reprendre le terme utilisé par Le Boterf (1994 : 17), sont, de fait, essentiels à la compétence d’un professionnel, quel que soit son domaine d’exercice, car « la réflexivité permet […] de dépasser l’accumulation passive, inerte d’expériences et participe au développement de l’individu. Elle lui façonne son identité professionnelle […]. » (Richer, 2014 : 40)

Ainsi, l’activation simultanée et raisonnée du bagage cognitif, affectif et sensori-moteur fonde en grande partie la compétence du traducteur, car

Avoir de l’expérience dans un domaine, comme un métier, un sport ou tout autre secteur de l’activité humaine, implique davantage que d’avoir vécu un événement ou d’avoir participé à des activités. Avoir de l’expérience implique la conscience des compétences acquises pour jouer un rôle, pour réaliser des tâches et pour résoudre des problèmes dans un domaine donné, ainsi que les réactions et les sentiments liés à la perception de son efficacité dans ce domaine. (Côté, 2003 : 28)

Au-delà des implications concrètes que peut avoir l’approche expérientielle sur la manière dont on envisage la traduction, l’on peut entrevoir quelques pistes d’ordre épistémologique qui pourront être approfondies dans des réflexions ultérieures. Tout d’abord, elle illustre l’utilité des liens entre théorie (du verbe grec theôrein qui, rappelons-le, signifie « observer ») et pratique (du grec praxis, qui renvoie à l’action), en ce sens que le traducteur réflexif fonde ses actions sur une auto-observation analysée et objectivée. Il s’agit néanmoins d’une approche bottom-up, où le recours à la théorie est dicté par la nécessité d’optimiser la pratique et part de celle-ci. La théorie est ainsi au service de la pratique, ce qui, concrètement, signifie notamment que dans cette optique, la réflexion théorique – et donc, la recherche universitaire – sur la traduction doit avoir des liens solides avec la pratique professionnelle.

Une autre piste à explorer serait celle d’une explication ou d’une formalisation du concept de « déverbalisation » sur lequel repose en grande partie la théorie interprétative de la traduction : « La déverbalisation est le stade que connaît le processus de la traduction entre la compréhension d’un texte et sa réexpression dans une autre langue. Il s’agit d’un affranchissement des signes linguistiques concomitant à la saisie d’un sens cognitif et affectif. » (Lederer, 1994 : 180) Pour Froeliger (2013 : 7), la déverbalisation demeure une hypothèse à valider ; il évoque pour ce faire la piste des sciences cognitives. Notant pour ma part le fait que Lederer évoque la déverbalisation comme mécanisme concomitant aux processus cognitifs et affectifs à l’œuvre dans la saisie du sens, je proposerais quant à moi d’explorer la piste kinesthésique ou sensori-motrice, ce qui serait congruent avec les observations réalisées dans le cadre des activités pédagogiques décrites plus haut. Cette voie ne résoudrait pas à elle seule la question de la déverbalisation, mais elle pourrait illustrer une grande partie du non-verbal qui intervient dans le processus de traduction écrite.

Enfin, comme le montre la diversité des exemples cités plus haut, cette approche expérientielle de la traduction peut s’appliquer à des textes variés et, surtout, indifféremment du domaine, ce qui offre une très salutaire occasion de décloisonnement, en particulier entre le littéraire et le pragmatique. Si, pour certains, comme Froeliger (2013 : 16), il « existe [une césure] entre traduction littéraire et traduction pragmatique », celle-ci se situe dans les différences entre les conditions d’exercice du métier et dans l’écart de représentativité dans le marché de la traduction, la traduction littéraire y étant largement minoritaire. Pour ma part, j’estime que le fait qu’elle ne représente qu’une petite partie de la production globale ne doit pas conduire à une marginalisation de la traduction littéraire dans les réflexions traductologiques portant sur la pratique professionnelle – pas plus que la traduction pragmatique ne doit être minorée dans la traductologie générale, encore trop souvent, il est vrai, tournée vers la littérature. De fait, si l’on tient compte du fait que l’édition française a généré 3 078,6 millions d’euros en 20215 et que la part des titres traduits en 2021 est de 15,6 %6, la traduction littéraire est loin d’être une pratique marginale sur le plan économique. Sous cet angle, il semble alors légitime de considérer les traducteurs littéraires comme des acteurs économiques et donc, comme des professionnels, au même titre que les traducteurs dits « pragmatiques ». La dichotomisation des différentes formes de pratiques de la traduction relèverait donc davantage d’une posture consciente que d’un réel obstacle épistémologique.

Finalement, cette réflexion exemplifie la nature profondément transdisciplinaire de la traductologie ; elle s’appuie en effet sur des éléments issus de la didactique, de la philosophie, de la psychologie, de la sociologie ou encore de l’anthropologie. C’est sans doute là le signe que notre discipline est non seulement ancrée dans la société, mais aussi profondément liée à l’humain. De fait, à mon sens, une telle démarche holistique de l’acte de traduire, dans laquelle le traducteur s’investit en tant qu’individu, dans toute sa singularité, va de pair avec une approche humaniste et de la traduction, et de la didactique de la traduction. Et même si aujourd’hui, une bonne partie de ce qui se traduit est traité par des machines, l’humain est toujours présent dans le processus, en amont comme en aval. Car l’acte fondamental de transmission du sens, quels qu’en soient les vecteurs et truchements, est avant tout un acte de communication de l’humain vers l’humain.

1 La typologie textuelle de Reiss repose sur le modèle de Bühler ([1934] 1965 : 34), qui pose la représentation, l’expression et l’appel comme

2 Thomas O. St-Pierre est aujourd’hui professeur de philosophie, écrivain et traducteur.

3 La recommandation a été publiée en France au Journal officiel de la République française du 16 octobre 2011.

4 Sur la question du praticien réflexif (reflexive practitioner), voir Schön, 1994.

5 Source : Les chiffres de l’édition, rapport statistique du CNE, 2020-20218, édité par le Centre national du livre, page 3, [https://www.sne.fr/actu

6 Les chiffres de l’édition, rapport statistique du CNE, 2020-2021, page 19.

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Notes

1 La typologie textuelle de Reiss repose sur le modèle de Bühler ([1934] 1965 : 34), qui pose la représentation, l’expression et l’appel comme fonctions fondamentales du langage.

2 Thomas O. St-Pierre est aujourd’hui professeur de philosophie, écrivain et traducteur.

3 La recommandation a été publiée en France au Journal officiel de la République française du 16 octobre 2011.

4 Sur la question du praticien réflexif (reflexive practitioner), voir Schön, 1994.

5 Source : Les chiffres de l’édition, rapport statistique du CNE, 2020-20218, édité par le Centre national du livre, page 3, [https://www.sne.fr/actu/les-chiffres-de-ledition-2021-2022-sont-disponibles/], consulté le 25 novembre 2022.

6 Les chiffres de l’édition, rapport statistique du CNE, 2020-2021, page 19.

Citer cet article

Référence électronique

Isabelle Collombat, « Prolégomènes à une approche expérientielle de la traduction », À tradire. Didactique de la traduction pragmatique et de la communication technique [En ligne], 1 | 2022, mis en ligne le 20 décembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : https://atradire.pergola-publications.fr/index.php?id=98 ; DOI : https://dx.doi.org/10.56078/atradire.98

Auteur

Isabelle Collombat

ESIT, Université Sorbonne Nouvelle (France)
isabelle.collombat[à]sorbonne-nouvelle.fr
Directrice de l’École supérieure d’interprètes et de traducteurs (ESIT, Université Sorbonne Nouvelle), Isabelle Collombat a été professeure de traduction à l’Université Laval (Québec, Canada) de 2005 à 2016. Sa pratique de la traduction, son enseignement et ses recherches s’articulent autour de quatre axes principaux : la didactique de la traduction, les thématiques métatraductionnelles, la variation diatopique en traduction littéraire et pragmatique et la traduction de la métaphore. Traductrice agréée (Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, OTTIAQ), membre de l’Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada (ATTLC) et de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF), elle a signé les traductions de onze romans d’Eric Wright, auteur canadien de romans policiers quatre fois récipiendaire du prix Arthur-Ellis.

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