La co-construction de l’alliance thérapeutique, un enjeu de la formation des interprètes en santé mentale

Co-constructing the therapeutic alliance: a cornerstone of the training of mental health interpreters

Co-constructie van de therapeutische alliantie: een hoeksteen voor tolkopleidingen in de geestelijke gezondheidszorg

Совместное построение терапевтического альянса – краеугольный камень подготовки устных переводчиков в области психического здоровья

Abstracts

En psychothérapie monolingue, la recherche a montré qu’une alliance thérapeutique (AT) positive est prédictive de la réussite de la thérapie, quel que soit le modèle théorique sous-jacent. Les études qui se penchent sur l’AT en contexte bilingue interprété indiquent qu’une AT triadique se co-construit entre la thérapeute, l’interprète et la patiente, et qu’elle est influencée par des facteurs structurels, situationnels, personnels, verbaux, paraverbaux et non verbaux. Face à ces résultats, nous proposons d’inclure dans l’éducation des interprètes un module visant à conscientiser ces facteurs, tout particulièrement la manière dont l’implication interpersonnelle et émotionnelle de l’interprète peut co-construire une AT positive lorsqu’elle est maîtrisée grâce au dialogue interprofessionnel avec la thérapeute. Nous espérons ainsi contribuer à élaborer un programme de formation spécifique éclairé par la recherche récente dans lequel les complexités inhérentes à l’interprétation en santé mentale sont abordées sans a priori limitant.

In monolingual psychotherapy, research has shown that a positive therapeutic alliance (TA) is predictive of successful therapy, regardless of the underlying theoretical model. Studies investigating TA in interpreted bilingual settings indicate that a triadic TA is co-constructed between therapist, interpreter and patient, and is influenced by structural, situational, personal, verbal, paraverbal and non-verbal factors. In the light of these findings, we propose to include a module in interpreter education aimed at raising awareness of these factors, in particular the way in which the interpreter’s interpersonal and emotional involvement can co-construct positive TA when it is monitored through interprofessional dialogue with the therapist. We hope in this way to contribute to the development of a specific educational programme informed by recent research in which the complexities of mental health interpreting are addressed without limiting preconceptions.

Onderzoek heeft aangetoond dat in eentalige psychotherapie een positieve therapeutische alliantie (TA) duidelijk verband houdt met succesvolle therapie, ongeacht het onderliggende theoretische model. Studies naar TA in getolkte tweetalige settings geven aan dat er een triadische TA wordt opgebouwd tussen therapeut, tolk en patiënt en dat die wordt beïnvloed door structurele, situationele, persoonlijke, verbale, paraverbale en non-verbale factoren. In het licht van die bevindingen stellen we voor om een module te integreren in de tolkopleidingen om tolken het belang te laten inzien van die factoren. Er kan dan in het bijzonder aandacht worden gegeven aan de manier waarop de interpersoonlijke en emotionele betrokkenheid van de tolk een positieve TA kan co-construeren, als die betrokkenheid wordt gecontroleerd dankzij een interprofessionele dialoog met de therapeut. We hopen zo bij te dragen tot de ontwikkeling van een specifiek onderwijsprogramma dat op recent onderzoek is gebaseerd en waarin de complexiteit die inherent is aan tolken in de geestelijke gezondheidszorg aan bod komt zonder beperkende vooroordelen.

Исследования в области моноязычной психотерапии показывают, что позитивный терапевтический альянс (ТА) предопределяет успех терапевтического процесса, независимо от теоретической модели, лежащей в его основе. Исследования, рассматривающие ТА в двуязычной терапии, проведённой с помощью переводчика, показывают, что триадический ТА выстраивается совместно терапевтом, переводчиком и пациентом, и что на него влияют структурные, ситуационные, личностные, вербальные, паравербальные и невербальные факторы. В свете этих констатаций мы предлагаем включить в программу обучения переводчиков курс, направленный на повышение осведомленности переводчиков касательно этих факторов, в особенности относительно того, как межличностная и эмоциональная вовлеченность переводчика может способствовать совместному выстраиванию позитивного ТА, если она регулируется посредством межпрофессионального диалога переводчика с терапевтом. Этим предложением мы надеемся внести свой вклад в разработку специальной программы обучения, основанной на результатах новейших исследований, в которой сложности, присущие устному переводу в области психического здоровья, рассматриваются без ограничивающих предубеждений.

Indexe

Mots-clés

interprétation en santé mentale, alliance thérapeutique triadique, facteurs d’influence, implication interpersonnelle, implication émotionnelle, comportement verbal, paraverbal et non verbal

Keywords

mental health interpreting, triadic therapeutic alliance, influencing factors, interpersonal involvement, emotional involvement, verbal, paraverbal and non-verbal behaviour

Gliederung

Vollständiger Text

Introduction

Cet article a pour objectif de proposer un contenu théorique et pratique pour alimenter la formation des interprètes en santé mentale (ci-après, SM) sur le plan très particulier d’une implication interpersonnelle et émotionnelle mesurée. Ces dernières années, cette implication apparaît en effet dans la littérature scientifique comme jugée nécessaire à l’efficacité des soins en SM (voir p. ex. Chang et al., 2021 ; Hunt et Swartz, 2017 ; Miller et al., 2005).

En matière de formation de l’interprète de dialogue, la nécessité est passée au fil des ans d’un contenu générique quel que soit le secteur d’intervention (Carr et al., 1997) à un contenu ciblé centré sur les besoins spécifiques d’un secteur donné (Cirillo et Niemants, 2017). Pour celui de la SM, les cursus actuels1 entièrement ou partiellement spécialisés offrent généralement les axes suivants :

  • les savoirs d’orientation, c’est-à-dire les connaissances spécifiques à la communauté discursive visée (Niemants et Cirillo, 2017 : 11), telles que le fonctionnement du système de soins du pays d’accueil ; les politiques d’accès à la santé ; les concepts de base de la psychiatrie, de la psychothérapie et de la psychologie ; les liens entre migration, exil, précarité et souffrance psychique ; la terminologie de la SM ;
  • le savoir-être, c’est-à-dire la sensibilisation aux enjeux déontologiques (ibid.), tels que le rôle de l’interprète, ses limites et ses responsabilités ; les modulations de ce rôle en contexte et la frontière poreuse entre interprétation et médiation ;
  • le savoir-faire, c’est-à-dire les compétences procédurales et relationnelles associées à la communication dans la communauté discursive visée (ibid.), telles que la négociation interculturelle au service de la compréhension mutuelle ; la métacommunication interprofessionnelle afin de mieux répondre aux besoins de la thérapeute2 et de la patiente ; l’entraînement aux techniques d’interprétation avec ou sans mention de l’apprentissage de la gestion de la dynamique interactionnelle.

La compétence à gérer la dimension interpersonnelle et émotionnelle de l’échange interprété figure dans très peu de programmes d’apprentissage (DU Dialogues, 2021 ; INTERPRET, 2016 ; IIM, 2023). Pourtant, la représentation du rôle de l’interprète en SM a évolué. Si, il y a une bonne dizaine d’années, la conception qui prévalait portait quasi uniquement sur le transfert interlinguistique (ce que regrettaient par exemple Tribe et Thompson en 2009), la nécessité de l’agentivité interculturelle de l’interprète s’est depuis répandue dans les attentes collectives (voir p. ex. Leanza et al., 2014). De plus, l’idée que l’interprète fait partie intégrante des soins, ce qui nécessite un certain degré d’implication, fait actuellement son chemin dans les représentations (voir Hunt et Swartz, 2017). Ce type d’implication, qui peut être défini comme étant la capacité à être touchée sans être débordée par les émotions et à avoir une relation mesurée avec la patiente et la thérapeute (Delizée, 2018), serait l’un des facteurs favorisant une alliance thérapeutique positive (ci-après, AT). Ces facteurs sont étudiés de longue date en contexte monolingue. La recherche y a établi que l’AT repose sur le partenariat qui unit la soignante et la soignée dans le but d’accomplir les objectifs fixés (Bioy et Bachelart, 2010). Elle peut être conceptualisée en deux dimensions : une dimension cognitive qui implique la négociation des buts de la thérapie et des tâches à accomplir par chacune pour y parvenir, et une dimension affective qui recouvre la qualité émotionnelle du lien façonnant la manière dont la patiente se sent comprise, respectée et estimée (Bordin, 1979). Fait crucial, la qualité de l’AT est prédictive de la réussite de n’importe quel type d’intervention thérapeutique (Falkenström et al., 2013). Par conséquent, prendre conscience des facteurs qui dé/construisent l’AT en thérapie bilingue interprétée est tout aussi prépondérant qu’en contexte monolingue. Cette co-construction relève vraisemblablement de l’intersection entre les aires de travail de la thérapeute et de l’interprète (Gryesten et al., 2023).

Voilà pourquoi nous développons dans cet article une proposition d’apprentissage pour interprètes visant à leur faire prendre conscience des principaux rouages procéduraux de la co-construction de l’AT en thérapie bilingue interprétée. Le propos est centré sur la dimension affective de l’AT et repose sur la littérature scientifique exposée dans la section 1. L’objectif n’est pas ici de démontrer la co-construction de l’AT3, mais d’amener les interprètes à réfléchir à ses enjeux émotionnels et relationnels par le biais de la formation. Les résultats de la recherche sont donc mis au service de la formation (Weber, 2020). La proposition, d’inspiration socio-constructiviste, est déclinée en trois étapes : ancrage dans la théorie, analyse réflexive et expérimentation. En effet, ancrer l’apprentissage dans la théorie, c’est avant tout offrir une structure conceptuelle qui permet de mieux conscientiser, adapter et argumenter sa pratique (Angelelli, 2008). Lorsqu’elle est ensuite concrétisée par des études de cas, cette structure développe la compétence à l’analyse critique, ce qui offre un sentiment de contrôle sur l’apprentissage : les apprenantes partent de l’observation du produit pour améliorer petit à petit leur compréhension du processus, et donc in fine sa maîtrise (Davitti et Pasquandrea, 2018). Enfin, l’expérimentation par jeux de rôle a de nombreuses vertus, et notamment celles de transposer son apprentissage à différents cas de figure, de développer sa capacité à choisir des stratégies éclairées en tenant compte des caractéristiques de la situation de communication, de mieux se préparer à faire face aux aspects atypiques qui surgissent en interaction, et donc à diminuer son stress et renforcer sa confiance en soi une fois sur le terrain professionnel (Niemants, 2015). La proposition vise ainsi à « éduquer », c’est-à-dire à équiper intellectuellement en développant la capacité à l’analyse critique, au raisonnement et à la prise de décision autonome et éclairée, plutôt qu’à « entraîner », c’est-à-dire à automatiser des savoir-faire pratiques (Merlini, 2017 : 139).

1. Ancrage dans la théorie

Après avoir donné une définition de l’AT qui fasse consensus (voir supra), l’enseignante propose dans un premier temps une mini-plongée dans les résultats de quelques articles fondamentaux sur l’AT étudiée en contexte monolingue, par exemple ceux cités ci-dessous. L’objectif est de faire cerner le lien entre AT et réussite de la thérapie d’une part, et les constituants interpersonnels essentiels de l’AT d’autre part, à savoir :

  • une AT positive est prédictive de la réussite thérapeutique (Falkenström et al., 2013 ; Horvath et Bedi, 2002) : elle est le seul facteur cohérent associé à un résultat thérapeutique positif, quel que soit son modèle théorique sous-jacent ;
  • le facteur relationnel est prépondérant (Heinonen et al., 2014 ; Norcross et Wampold, 2011) : les variables liées à la thérapeute et à la patiente jouent un rôle plus important dans l’efficacité d’un traitement que les modalités techniques du traitement lui-même. Le lien entre relation thérapeute-patiente empathique et résultats thérapeutiques positifs a été mis en évidence. La spontanéité, la réciprocité, l’authenticité et l’engagement mutuel sont les critères clefs de cet aspect relationnel.

Dans un deuxième temps, lors d’une session de remue-méninges, les apprenantes sont incitées à problématiser la construction interpersonnelle en lien avec l’AT lorsque la dynamique n’est plus duelle mais triadique en contexte bilingue interprété (cf. Goguikian Ratcliff et Pereira, 2019). Si une relation thérapeute-patiente empathique exerce une influence positive sur les résultats thérapeutiques, se peut-il que les relations interprète-thérapeute et interprète-patiente aient ce type d’influence ? Dans ce cas, de quoi serait tissée chacune de ces relations dyadiques pour qu’un climat bienveillant empreint de confiance se construise en sein de la triade ? Pourrait-on estimer que l’interprète a elle aussi une part à jouer dans la construction de l’AT triadique ?

Dans un troisième temps, des éléments scientifiques de réponse à ce questionnement sont glanés dans les travaux portant spécifiquement sur la construction de l’AT en psychothérapie interprétée (Boss-Prieto et al., 2010 ; Chang et al., 2021 ; Delizée et Michaux, 2022 ; Gryesten et al., 2023 ; Hanft-Robert et al., 2022, 2023). Le groupe-classe peut être divisé en sous-groupes se penchant chacun sur une étude, puis les résultats de leur analyse sont confrontés. L’objectif est d’aboutir au constat suivant4 : ces études indiquent qu’une AT triadique composée de trois dyades interconnectées se construit, que l’interprète y joue un rôle pivot, et que l’enjeu principal pour l’interprète est de trouver l’équilibre entre implication et distanciation. Les apprenantes sont ensuite invitées à concrétiser ce résultat en catégorisant les facteurs d’influence de l’AT mis en lumière dans ces études. Citons principalement5,

  • parmi les facteurs structurels positifs : la collaboration avec une interprète professionnelle agissant dans un cadre éthique clair (Hanft-Robert et al., 2023) et une formation de l’interprète spécifique à l’accompagnement du trauma afin qu’elle évite de réagir de manière inappropriée (ibid.) et qu’elle puisse mieux déceler les informations pertinentes pour la thérapeute (Chang et al., 2021) ;
  • parmi les facteurs structurels négatifs : les conditions de vie difficiles de la patiente dans la société d’accueil qui peuvent freiner son engagement relationnel (Hanft-Robert et al., 2022) et les conditions de travail précaires de l’interprète qui peuvent l’empêcher d’oser discuter avec la thérapeute de ce qui lui semble améliorable (Gryesten et al., 2023) ;
  • parmi les facteurs situationnels positifs : la reconnaissance par la thérapeute de la part active de l’interprète dans l’AT (Hanft-Robert et al., 2023), le fait de faire systématiquement appel à la même interprète pour la même patiente (Delizée et Michaux, 2022), l’organisation de concertations avant et après la consultation pour métacommuniquer sur les stratégies à mettre en place pour être à deux au service de la thérapie (Chang et al., 2021), la construction de relations soutenantes par l’interprète (Boss-Prieto et al., 2010) ;
  • parmi les facteurs personnels négatifs : les tensions identitaires sous-jacentes entre la patiente et l’interprète – dues aux antagonismes communautaires – non négociées à trois en début de thérapie (Delizée et al., 2022), et le sentiment de la patiente d’être stigmatisée par les soins psychothérapeutiques – négativement perçus dans sa communauté d’origine – non désamorcé depuis une perspective de médiation interculturelle avec l’aide de l’interprète (Hanft-Robert et al., 2023) ;
  • parmi les facteurs relationnels positifs de nature verbale, paraverbale6 et non verbale : les signaux paraverbaux d’écoute (p. ex. « hmm »), d’accord (p. ex. « OK  »), de compréhension (p. ex. « j’entends bien »), d’appel à l’écoute et à la compréhension (p. ex. « vous voyez ? », « d’accord ? »), d’humour (p. ex. rires) et d’encouragement (p. ex. « ça va aller »), ainsi que les signaux non verbaux d’acceptation et de non-jugement de la personne et de ce qui est dit (p. ex. hochements de tête, gestuelle d’ouverture communicative, sourire) échangés entre les trois interactantes (Delizée et Michaux, 2022).

Cette étape d’ancrage théorique poursuit les méta-objectifs suivants :

  • conscientiser que le facteur interpersonnel influence la construction de l’AT et donc la réussite thérapeutique ;
  • conscientiser que ce qui se joue en thérapie dépasse l’impératif de restituer de manière précise sur les plans linguistique et terminologique, et englobe la nécessité d’utiliser son comportement (non) verbal et paraverbal comme un outil professionnel favorisant la construction de relations soutenantes ;
  • conscientiser que la construction relationnelle triadique ne s’inscrit pas dans un vide social, mais est indirectement tributaire des conditions sociétales et est directement influencée par les conditions situationnelles. L’interprète a prise sur celles-ci en s’engageant activement dans la métacommunication collaborative avec la thérapeute.

2. Analyse réflexive

Cette deuxième étape vise à donner corps à l’apprentissage théorique et à mieux appréhender le processus de co-construction de l’AT grâce à l’analyse d’extraits d’entretiens et d’interactions authentiques. Les données proposées dans cette section sont tirées d’un corpus d’entretiens individuels semi-structurés et de consultations psychothérapeutiques russe-français interprétées collecté en Belgique francophone (Delizée, 2018). Elles ont été sélectionnées parce qu’elles sont centrées sur ce qui se joue sur le plan interpersonnel et émotionnel dans chacune des trois dyades et sur l’interconnexion entre celles-ci. Elles n’ont aucunement valeur de démonstration de l’agentivité relationnelle de l’interprète7, mais d’exemplification à visée formative : elles sont fournies comme tremplin à la réflexion des apprenantes.

Puisque les caractéristiques interlinguistiques ne font pas l’objet de l’analyse, les données sont présentées uniquement en français. Les interventions originales en russe ont été traduites en français de manière à reproduire sur la lectrice francophone les mêmes effets que l’énoncé original aurait eus sur une interlocutrice russophone ; la traduction est signalée par l’italique. Les conventions de transcription utilisées pour les extraits de consultation sont fournies en annexe. Dans les données authentiques, les Thérapeutes, Patient·es et Interprètes sont genré·es puisqu’ils et elles représentent des personnes réelles. Voici leurs données socio-démographiques :

Tableau 1 – Profil des thérapeutes

Identification des thérapeutes Titre/s professionnel/s et orientation thérapeutique Sexe Tranche d’âge Années d’expérience de travail avec interprètes
T1 Psychologue clinicienne, psychanalyste F 40-50 15 ans
T6 Psychologue clinicienne, orientation systémique et institutionnelle F 40-50 20 ans
T10 Infirmier psychiatrique, psychanalyste M 40-50 10 ans
T13 Psychologue clinicien, orientation psychanalytique transculturelle M 30-40 8 ans

Tableau 2 – Profil des patientes

Identification des patientes Sexe Tranche d’âge Origine Durée de la thérapie (avec interprète)
P2 F 30-40 russe 4 ans
P3 F 30-40 tchétchène 3 ans
P5 F 30-40 tchétchène 2 ans et 6 mois

Tableau 3 – Profil des interprètes

Identification des interprètes Sexe Tranche d’âge Origine Formation initiale Nombre d’heures de formation en tant qu’interprète de dialogue Années d’expérience en santé mentale
I1 F 50-60 ex-URSS Philologie ± 780 heures 13 ans
I2 F 40-50 ex-URSS Économie ± 600 heures 11 ans
I7 F 30-40 ex-URSS Philologie ± 450 heures 10 ans
I9 F 30-40 ex-URSS Philologie ± 40 heures 2 ans 6 mois

2.1. Extraits d’entretiens individuels semi-structurés

Dans une première phase, les apprenantes sont invitées, dans une approche maïeutique, à analyser des extraits d’entretien avec des représentant·es de chacune des trois catégories des répondant·es. L’objectif est de cerner les rouages clefs d’une relation triadique positive et les éléments sur lesquels il est nécessaire que T et I métacommuniquent.

2.1.1. Dyade T-I

Ce sont vraiment des témoins privilégiés [les I], car ils ont vécu cela et ils saisissent ce qu’il peut y avoir d’important qui se joue et qui réjouit comme dans un autre boulot. Ce qui se passe bien réjouit, et qu’on peut partager [après la consultation]. Ça c’est précieux. (T1 – 05:03)

Parce que quand on est seul à seul avec quelqu’un pour qui c’est très dur, on doit maintenir le regard, au niveau de la proximité corporelle, on doit être plus présent et tout ça. Et là, c’est l’interprète qui peut le faire un peu plus. (T13 – 06:16)

Lorsqu’il y a une énergie positive [entre T et I], c’est plus facile. Plus facile, et plus confortable, de raconter certaines choses. Une énergie positive, cela veut dire que les gens se font confiance, se respectent. Il n’y a pas de différend, de dispute. Et quand ils discutent entre eux pendant la consultation, [prénom de I] me traduit toujours, je suis toujours au courant. (P2 – 15:01)

C’est très très important d’avoir une bonne entente entre l’utilisateur [T] et l’interprète. On doit se compléter et avoir confiance. (I7 – c4:40)

Les apprenantes sont amenées à constater que, d’après ces extraits d’entretiens individuels semi-structurés, le soutien mutuel entre T et I se construit par le partage d’émotions sous forme de brefs échanges informels à l’issue de la consultation. De plus, au cours de celle-ci, I manifeste sa réception du discours de P par son regard et sa présence non verbale, ce qui a pour effet de soutenir T dans la gestion des aspects émotionnels de la thérapie. P paraît observer attentivement les échanges (non) verbaux entre T et I pour déceler leur degré de compréhension, de confiance et de respect mutuels, ce qui lui donne l’impression d’un soutien psychologique accru et facilite l’expression de l’intime.

2.1.2. Dyade I-P

L’interprète, il joue un rôle fondamental. Et pas seulement pour son rôle de traduire les mots. Par sa personne, il fait partie du cadre thérapeutique, à part entière. (…) C’est pour ça que je dis que c’est important, le lien [qui relie I] avec le patient. Au-delà de traduire. (T6 – 46:56)

D’abord, il [P] doit voir qu’il peut me faire confiance. Et petit à petit, on gagne cette confiance, et alors il peut s’ouvrir au thérapeute. (I9 – 27:16)

Moi je ne dis rien, bien sûr, mais tout le montre en moi. (…) Parfois, je fais un léger mouvement d’ouverture [geste d’ouverture avec les mains] pour lui dire : « Tu peux tout dire, mais vraiment, tout. Même si c’est difficile pour toi de le dire, et même si tu trouves que c’est absolument déplacé, vas-y. » Et je lui montre comme ça, tout mon corps le lui montre. (I1 – 24:48)

[À propos de I] Elle me comprend parce que… Je ne sais pas comment vous expliquer. Il faut le sentir. C’est même un seul sourire. D’un seul sourire, elle me rassure, comme si elle me disait « tout va bien se passer ». (…) Elle fait toujours « hmm hmm hmm », comme si elle me comprenait. Elle rit parfois aussi, et sa voix est si calme. (P5 – 13:32 et P5 – b50:30).

Avec [prénom de I], c’est très douillet, très calme, parce que quand elle parle, j’ai l’impression que c’est quelqu’un de proche. Lorsque tu vois que la personne te regarde dans les yeux et comprend tout ce que tu dis, tu as envie de tout exprimer. (P3 – 19:40)

Les apprenantes sont amenées à constater que d’après ces extraits, une relation P-I empreinte de confiance incite au dévoilement de soi. I semble exercer une action consciente sur sa relation à P pour tisser cette confiance, essentiellement par des manifestations non verbales et paraverbales (gestuelle, regard, signaux d’écoute, rires) de compréhension, d’encouragement et d’abstention de jugement, ainsi que la maîtrise des éléments prosodiques (ton et volume de la voix apaisants).

2.1.3. Dyade P-T

La place de l’interprète dans ce que nous tissons avec les patients est fondamentale. C’est la personne qui permet ce lien entre le patient et le thérapeute. (T6 – 08:28)

Donc, c’est tout d’abord mettre tout le monde à l’aise. Rassurer l’un comme l’autre. Parfois, je fais des blagues. Et rien que par ces bêtises, je peux déstresser, enlever cette tension. (I7 – b20:25)

Même si le docteur apporte beaucoup de choses, c’est moi qui les amène au patient. Par exemple, le docteur dit avec chaleur : « Comment allez-vous ? » Moi, je peux dire froidement « Comment allez-vous ? », mais je peux le dire avec de la chaleur. Si je ne traduis pas ce que l’un ou l’autre sent, je pense que le lien va s’échapper. (I2 – c3:34)

Les apprenantes sont amenées à constater que, d’après ces extraits, I est la porte d’accès qui va permettre à T d’entrer en relation avec P. I est susceptible d’exercer une action consciente sur la relation P-T afin qu’une communication détendue et harmonieuse puisse se dérouler entre les intervenants primaires, via un travail sur les aspects verbaux (p. ex. plaisanteries). Le dernier extrait pointe vers le phénomène de convergence prosodique : I produit dans sa restitution un schéma intonatif susceptible de véhiculer la même catégorie d’émotions que la prosodie originale.

Pour éviter tout débordement éthique, les apprenantes doivent être sensibilisées à une implication « professionnelle », c’est-à-dire conscientisée et maîtrisée, qui ne se prolonge pas en dehors de la consultation et qui s’adapte au gré des besoins :

Il faut s’investir dans la relation avec de l’empathie, tout en se préservant. C’est vraiment difficile d’avoir cette limite, hein ! D’avoir la juste distance. (I7 – c9:15)

L’interprète est un baromètre un peu ! Je prends la température, je la ressens moi-même, et je me dis « Oh là, il faut agir ». Surtout en santé mentale, c’est très difficile de se livrer à quelqu’un que tu ne connais pas. (I7 – b22:34)

S’adapter au patient, à l’utilisateur [T], à la situation. Je suis un élastique : je peux pousser encore un petit peu ? Alors je pousse encore un peu, mais il ne faut pas dépasser, alors je recule. (I7 – a32:00)

Les apprenantes sont amenées à constater que, d’après ce témoignage, I se déplace continuellement sur un continuum relationnel : tel un « baromètre », elle mesure les moments où davantage de proximité lui paraît nécessaire pour apaiser les tensions et libérer la parole, mais telle un « élastique », elle prend de la distance lorsque son implication pourrait nuire à l’équilibre relationnel au sein de la triade.

Il importe également que les apprenantes conscientisent le fait que l’implication interpersonnelle et émotionnelle se négocie toujours avec : c’est T qui, notamment en fonction des besoins de P, guide I vers le degré d’implication que T estime nécessaire. Ceci est ancré par la seconde phase d’analyse réflexive.

2.2. Extraits d’une consultation psycho-thérapeutique bilingue interprétée

Les interactant·es8 sont Théodore, psychanalyste ; Polina, originaire de Tchétchénie et victime de violence organisée ; Irina, russophone.

Tableau 4 – Profils de la constellation

Codification de la consultation Identification du thérapeute Identification de la patiente Identification de l’interprète Expérience en tandem T-I Travail en trio T-P-I
EnTh4 T10-Théodore P5-Polina I7-Irina 2 ans et 6 mois 2 ans et 6 mois

2.2.1. Les choix de T comme guides pour I

Les apprenantes sont invitées à analyser le témoignage de Théodore. L’objectif est de prendre conscience que ce sont l’approche thérapeutique et le but communicatif choisis par Théodore qui déterminent le comportement (non) discursif d’Irina, qui sera observé dans les deux vignettes ci-dessous. La métacommunication interprofessionnelle est indispensable pour que cet ajustement ait lieu.

Entre nous deux [Théodore et Irina], c’est une collaboration. (…) S’il n’y a pas de bienveillance, ça ne passe pas. Si une interprète reste froide, si l’émotion ne passe pas… [ça ne convient pas]. (…) C’est ça qu’ici [dans son cabinet], elle [Polina] a pu rencontrer : des personnes humaines, car elle a vécu des choses inhumaines, barbares, la torture, le viol, une histoire chaotique. On [Théodore et Irina] n’est pas restés dans la position du psychanalyste (…). Il faut sortir de ça. Il faut pouvoir aussi raconter des choses de nous [à propos de lui-même et d’Irina], de comment on fait nous, de parler de nous, de nous comporter en êtres humains avec elle tout simplement : elle avait en face d’elle des humains. (Théodore-T10 – 23:00, 28:13, 11:36)

Les apprenantes sont amenées à constater la conception du rôle de l’interprète nourrie par Théodore : il établit une relation collaborative avec elle et attend en général de sa part une implication interpersonnelle qualifiée de bienveillante, ainsi qu’une vectorisation des émotions. Elles seront également poussées à identifier l’approche thérapeutique choisie par Théodore pour Polina en particulier, qui a un vécu profondément traumatique : il a demandé à Irina de s’aligner sur son comportement, c’est-à-dire de renoncer à la distanciation professionnelle habituelle pour s’engager dans un degré d’implication susceptible de restaurer la confiance de Polina en l’être humain. Ce constat nécessite un dialogue interprofessionnel avant et après la consultation, qui permet à Irina d’appréhender la représentation qu’a Théodore du rôle de l’interprète en général, ainsi que ses choix et objectifs spécifiques.

Les apprenantes tirent de cette analyse une consigne généralisante : c’est uniquement grâce à un accordage métacommunicatif T-I que I peut cerner les attentes de T, qui servent de guides à I pour adopter le degré d’implication considéré comme adéquat par T pour un·e P en particulier.

2.2.2. Vignette – « Tout va bien se passer » – Extrait EnTh4 / 32:51-33:19

Les apprenantes sont ensuite invitées à observer des extraits9 dans lesquels les attentes de Théodore sont mises en œuvre par Irina. L’objectif est d’identifier les éléments discursifs reflétant l’implication interpersonnelle et émotionnelle de l’interprète qui construisent une relation triadique positive, dans une perspective strictement descriptive dépourvue de tout jugement d’ordre normatif10. Idéalement, leur analyse se basera sur une bonne compréhension préalable des principes de la théorie de la politesse linguistique de Brown et Levinson (1978), qui ont été développés, affinés et complétés par un arsenal d’actes flattant la face par Kerbrat-Orecchioni (1992).

Avant ce premier extrait, Théodore apprend que Polina doit prochainement être auditionnée par l’officier qui examine les demandes d’asile. Irina précise qu’elle a précédemment interprété, dans l’institution XX, la préparation de Polina à cette audition : elle sait que cela la rend nerveuse. Théodore prodigue alors ce conseil :

N° du tour Locuteur Tour de parole
1 T mais heu:: [Polina], sois toi-même. tu::
2 I tu dois être telle, que tu es.
3 T [comme tu nous as dit les cho:ses,
4a 4b 4c I [°d’accord?° comme tu nous l’as raconté, [>comme tu l’as raconté dans [l’institution XX]<,
5 T [°heu:: t’as rien,° tu n’as rien à inventer.
6a 6b I tu comprends? tu n’as rien à inventer.
7 T tu racontes les choses telles qu’elles sont venues.
8 I tu r-heu raconteras comment tout était réellement.
P (2)
9 I °d’accord? tout va bien se passer.°
10 P ce n’est pas terrifiant.
11 I je n’ai pas peur.

Dans ses prises de parole qui ne sont pas en gras, Irina restitue le sens propositionnel des propos originaux. Dans ses prises de parole en gras, Irina produit des non-restitutions. Les apprenantes sont guidées pour déceler ce qui suit :

  • en (4a), Irina formule à voix basse l’appel à la consensualité « °d’accord?° » qui, puisqu’il manifeste de l’intérêt pour l’interlocutrice, relève de la politesse positive (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 174) ;
  • en (4c), elle accélère le débit et produit un appel à un fait manifeste pour Polina et elle-même : il est plausiblement inférable que le récit raconté par Polina et interprété par Irina dans l’institution XX a été accueilli favorablement. Faire appel au savoir partagé relève de la politesse positive (ibid. : 175). Ce savoir partagé recouvrant vraisemblablement une expérience positive, cet appel a ici de plus un effet rassurant ;
  • en (6a), elle introduit sa restitution par le signal d’appel à l’écoute « tu comprends? », manifestation d’intérêt pour l’interlocutrice et vérification de sa compréhension, ce qui relève de la politesse positive (ibid. : 174) ;
  • en (9), probablement poussée par le silence de Polina pendant deux secondes, elle produit à voix basse un nouvel appel à la consensualité « d’accord?° », suivi de l’encouragement « °tout va bien se passer.° ».

L’objectif d’apprentissage est d’observer les cinq manifestations de politesse positive produites à l’initiative d’Irina et d’évaluer les effets de ces actions discursives sur la construction relationnelle : elles co-construisent une relation interprète-patiente rassurante et une relation thérapeute-patiente sécurisante. En effet, puisqu’Irina sait que l’audition est source de stress pour Polina, elle poursuit de toute évidence un double objectif. D’une part, restituer ce qui est au centre de l’attention de Théodore, à savoir des éléments rationnels qui portent sur la meilleure manière de formuler son récit lors de l’audition. D’autre part, activer ce qu’elle sait être au centre de l’attention de Polina, à savoir son état émotionnel. C’est sur cet aspect-là que celle-ci va rebondir : en (10), par « ce n’est pas terrifiant. », Polina réagit, non pas au conseil de Théodore, mais à la dimension émotionnelle introduite dans l’interaction par Irina. Dans la suite de la séquence, Polina exprimera quand même un certain état d’anxiété et Théodore lui prodiguera des conseils d’ordre psychophysique pour l’apaiser. Autrement dit, en créant une relation interprète-patiente empathique, Irina modifie certes la direction de l’échange initiée par Théodore axée sur des éléments rationnels, mais permet aux deux intervenants primaires de discuter également des aspects émotionnels dans le cadre d’une relation thérapeute-patiente soutenante. Il est essentiel de mettre en lien ces observations et l’analyse des choix de Théodore (voir 2.2.1) : le degré d’implication d’Irina, observable dans ses non-restitutions, a été demandé en amont de la consultation par ce dernier.

2.2.3. Vignette – « Comme toi ? » – Extrait EnTh4 / 09:40 – 10:12

Polina décrit le caractère sociable de sa fille.

Image

Extrait EnTh4 / 09:40 – 10:12

Les apprenantes sont guidées pour identifier ce qui suit :

  • au tour de parole (1), Polina évoque le caractère bavard de sa fille ;
  • en (2), en parlant en même temps que Polina, Irina la taquine : elle laisse entendre que la fille est aussi bavarde que la mère. Elle émet également un signal d’écoute, manifestation de politesse positive (ibid. : 174) ;
  • Polina ne réagit pas mais continue son idée en (3), très probablement parce qu’elle n’a pas entendu la plaisanterie en raison du chevauchement de parole ;
  • en (4a), Irina réitère sa boutade et les deux femmes vont rire ensemble. L’humour et le rire relèvent de la politesse positive (ibid. : 175) ;
  • en (4b), elle restitue tout d’abord le sens propositionnel des propos de Polina. Elle transmet ensuite leur aparté, non-restitution qui peut être perçue par le destinataire comme une invitation à partager le rire ;
  • en (5), Théodore réagira non par l’humour, mais par une autre stratégie de politesse positive, à savoir un compliment (ibid. : 228) à propos du caractère sociable des enfants de Polina.

Les apprenantes sont amenées à constater que par la plaisanterie et le rire, Irina construit d’abord une relation interprète-patiente complice, puis donne la possibilité à Théodore de manifester lui aussi du soutien émotionnel envers sa patiente. Autrement dit, elle co-tisse également une relation thérapeute-patiente potentiellement empathique. Les actions discursives d’Irina sont à mettre en lien avec les choix de Théodore (voir 2.2.1) : c’est à sa demande expresse qu’elle adopte un comportement discursif soutenant.

Cette étape d’analyse réflexive poursuit les méta-objectifs suivants :

  • conscientiser l’actualisation possible de la construction relationnelle dans chacune des trois dyades par le regard, une posture d’accueil de la parole, et des manifestations de politesse linguistique telles que des signaux d’écoute et d’accord, des signaux d’appel à l’écoute et à l’accord, le rire, l’humour ;
  • conscientiser que ce comportement (non) discursif se déploie uniquement à l’invitation de la thérapeute : c’est la métacommunication interprofessionnelle qui met en lumière le positionnement interpersonnel de l’interprète jugé adéquat par la thérapeute pour une patiente en particulier ;
  • conscientiser que l’interprète se déplace continuellement sur un continuum détachement-implication interpersonnelle et émotionnelle, en fonction des choix de la thérapeute ;
  • conscientiser les enjeux de cette implication au bénéfice de la thérapie : lorsqu’elle est mesurée, maîtrisée et convenue avec la thérapeute, elle est susceptible de favoriser une AT positive.

3. Expérimentation

L’étape de l’expérimentation se déroule sous la forme d’un jeu de rôle non scripté, et le mode d’interprétation est la consécutive sans notes (cf. Falbo 2012 : 161-163). Ceci a pour but que l’attention des interactantes se porte essentiellement sur les aspects interpersonnels et émotionnels sans être outre mesure diffractée par le suivi scrupuleux d’un dialogue écrit et la distanciation interactionnelle liée à une prise de notes en continu. Les réticences à prendre part au jeu peuvent être désamorcées en insistant sur le peu d’importance des contenus eux-mêmes : l’objectif n’est pas de produire des interventions reflétant un trouble psychique ou une visée thérapeutique réalistes, mais de mobiliser les acquis des deux premières étapes en expérimentant la dimension interpersonnelle dans un « pas-de-trois communicatif » (Wadensjö 1998 : 10).

Il s’agit d’une première consultation, les interactantes ne se connaissent pas encore.

Partition de la psychoThérapeute

P, allophone, vous a été référée pour dépression sévère. Vous accueillez I quelques minutes avant la consultation. Quels sont les points dont vous discutez afin de favoriser une relation collaborative entre vous, chacune depuis son champ de compétences, et une AT positive ? Avez-vous des attentes particulières en termes de comportement (non) verbal de I ? Vous introduisez ensuite P dans votre cabinet et faites connaissance. Comment se déroulent les présentations ? Adoptez-vous une démarche particulière pour que P et I se sentent à l’aise et en confiance l’une avec l’autre ? Vous faites alors le point avec P : vous lui demandez ce qui l’amène dans votre cabinet et prenez connaissance de son histoire. Vous lui prodiguez quelques conseils pour trouver de l’apaisement, et clôturez la consultation en proposant des rencontres bimensuelles et la date du prochain rendez-vous. Après le départ de P, vous remerciez I et prenez congé.

Partition de P

Vous êtes arrivée dans le pays d’accueil il y a quelques mois, seule adulte accompagnant quatre très jeunes enfants. Vous êtes épuisée physiquement et mentalement. Vous vous exprimez en soupirant bruyamment. Vous pleurez parfois. Vous évitez de soutenir le regard des autres participantes. Vous vous méfiez de I : d’où vient-elle ? Traduit-elle exactement ? Va-t-elle raconter votre histoire à d’autres personnes ? Vous ne voulez pas vous expliquer sur les raisons qui vous ont poussée à quitter votre pays d’origine. En revanche, vous êtes très volubile sur la très mauvaise qualité, à votre avis, de l’école d’enseignement général dans laquelle se rend votre fils aîné de 7 ans. Depuis sa naissance, il souffre de graves problèmes de santé, il est toujours resté à la maison à vos côtés et n’a pas été scolarisé. Dans le pays d’accueil, son institutrice vous a suggéré de le confier à une école spécialisée, mais vous refusez catégoriquement. Cela suscite chez vous un sentiment de honte : vous craignez que les membres de votre communauté vous rejettent parce que votre enfant ne serait pas comme les autres. Vous manifestez de temps à autre de l’irritation à l’égard de T et de I : ont-elles elles-mêmes des enfants ? Sont-elles capables de comprendre votre situation ?

Partition de I

Afin de vous préparer à la consultation, dressez la liste de vos outils professionnels susceptibles de favoriser une AT positive. À votre arrivée, vous tentez de déterminer les attentes de T à votre égard. Quelles questions lui posez-vous ? Aiguillez la conversation sur le positionnement interpersonnel qu’elle juge adéquat. Pendant la consultation, tâchez de conscientiser votre comportement verbal, paraverbal et non verbal susceptible de construire trois dyades relationnelles soutenantes et rassurantes. Après la consultation, demandez un débriefing à T. Faites preuve d’esprit critique et abordez les aspects qui vous ont semblé positifs, négatifs et déconcertants lors de la rencontre. Quels points sont à améliorer pour que votre prestation se déroule de manière plus ajustée aux attentes de T et aux besoins de P lors de la prochaine rencontre ?

Une fois l’interaction jouée devant le groupe-classe, les interactantes et les observatrices sont guidées pour discuter des principaux aspects de l’accordage triadique. I a-t-elle été active dans la métacommunication avec T ? T a-t-elle explicité ses attentes à I ? Les présentations ont-elles créé un cadre sécurisant pour P ? Les éventuelles tensions identitaires entre P et I ont-elles été soulevées ? Les éventuels apartés dyadiques ont-ils tous été rendus transparents à l’autre intervenante ? Les signaux verbaux, paraverbaux et non verbaux entre T et I ont-ils concouru à construire une relation collaborative tissée de respect et de confiance ? Les signaux entre T et P et entre I et P ont-ils participé à une relation sécurisante tissée d’écoute attentive, de non-jugement et d’invitation à s’exprimer ? La tonalité de la voix de I a-t-elle favorisé l’apaisement et l’expression de soi ? Le comportement de I était-il maîtrisé dans une perspective de neutralité bienveillante ? I a-t-elle trouvé le juste équilibre entre implication et distanciation, sans usurper la place des intervenantes primaires ? Le débriefing a-t-il été suffisamment précis pour que I puisse s’ajuster aux attentes de T et aux besoins de P avec une plus grande justesse lors de la prochaine rencontre ?

Cette étape d’expérimentation poursuit les méta-objectifs suivants :

  • expérimenter un comportement verbal, paraverbal et non verbal maîtrisé et mesuré susceptible de co-construire une AT positive. L’interaction peut être filmée afin que les apprenantes puissent analyser leur comportement en détail ;
  • expérimenter l’importance cruciale de la communication interprofessionnelle pour adopter un comportement jugé adéquat par la thérapeute et favoriser une AT positive.

Réflexions conclusives

Nous avons formulé une proposition pédagogique en trois étapes – théorique, analytique et pratique – visant à faire percevoir aux apprenantes-interprètes les principaux facteurs structurels, situationnels, personnels, verbaux, paraverbaux et non verbaux qui influencent la co-construction de l’AT dans sa dimension affective. L’interprète est susceptible de contribuer à l’AT en adoptant un degré d’implication interpersonnelle et émotionnelle maîtrisé, déclenché par la thérapeute lors de leurs échanges métacommunicatifs. Outre la compétence à restituer les échanges de manière précise, la compétence à s’engager activement dans le dialogue interprofessionnel et à agir (non) verbalement et paraverbalement de manière conscientisée et mesurée est cruciale. L’objectif est de contribuer à créer trois relations dyadiques interconnectées, soutenantes et sécurisantes favorisant l’expression de l’intime.

Cette proposition rencontrera probablement des réticences et suscitera le débat entre les tenantes d’une co-construction équilibrée de l’AT triadique d’une part, et les partisanes d’un rôle de l’interprète centré sur la précision des restitutions et le respect de strictes limites professionnelles d’autre part. Depuis cette seconde perspective, la mission d’établir des liens peut être dévolue à une autre catégorie d’intervenantes, telle celle des navigatrices bilingues pour les patientes (Crezee et Roat, 2019). C’est justement dans cette tension conceptuelle que se cristallise l’une des caractéristiques fondamentales du secteur de la santé mentale : la grande hétérogénéité des pratiques. Certaines thérapeutes s’attendront à une interprète la plus en retrait possible, tandis que d’autres lui demanderont de s’engager dans l’interactivité (Bot, 2005). Dans sa pratique, l’interprète est donc appelée à se déplacer constamment sur un continuum allant de réification à implication, en fonction de variables telles que l’orientation théorique et les choix personnels de la thérapeute (Leanza et al., 2014), les choix institutionnels (Leanza et al., 2015), le macro-contexte socio-politique (Drennan et Swartz, 1999), ou encore le contenu de l’échange au cours de la consultation (Bot, 2009). Lors de la formation, la cécité de l’interprète sur son agentivité relationnelle potentielle devrait dès lors être levée afin que sur le terrain, le conflit de rôle culpabilisant suscité par l’invitation de la thérapeute à élargir les limites du rôle (Goguikian Ratcliff et Suardi, 2006) soit rapidement désamorcé, et que l’interprète puisse trouver souplement la distance estimée juste dans une situation communicative donnée grâce au dialogue interprofessionnel (Delizée et al., 2021). L’enjeu formatif majeur est de faire prendre conscience de son comportement, de son influence sur les autres interactantes et sur l’AT et du juste degré d’implication pour ne pas usurper la place des intervenantes primaires. La formation pourrait être enrichie par une réflexion sur le profil adéquat de l’interprète en santé mentale et les risques qu’elle court. En effet, intervenir en santé mentale nécessite notamment de comprendre et d’être en accord avec les choix thérapeutiques (Goguikian Ratcliff, 2010 : 47-49), ainsi que de ne pas présenter un trop grand nombre de fragilités pouvant déclencher un trauma vicariant et d’être capable de développer des stratégies pour s’en protéger (Delizée et al., à paraître).

La compréhension des rouages constitutifs de l’AT triadique en thérapie bilingue interprétée en est encore à ses balbutiements. Nul doute que les avancées de la recherche en la matière permettront d’affiner les propositions de formation des interprètes en santé mentale. En l’état, la nôtre a comme principale limite d’inciter à l’analyse réflexive sur la base du transcript de données audio uniquement. Elle devra être prioritairement complétée par l’étude des échanges non verbaux sur données vidéo (cf. Vranjes et al., 2019), à considérer depuis le prisme de l’AT. L’enjeu sociétal est d’élaborer petit à petit un programme de formation éclairé par la recherche dans lequel les dilemmes inhérents à l’interprétation dans ce secteur spécifique sont abordés sans a priori limitant, ce qui renforcera l’identité professionnelle des interprètes (Gryesten et al., 2023).

Conventions de transcription adaptées d’après Jefferson, 2004

Notation Phénomène transcrit
.  ,  ? courbe intonative descendante, continue, ascendante
: allongement du son précédent
- interruption brusque du son
[ chevauchement de parole
majuscules augmentation du volume
° ° diminution du volume
< > accélération et décélération du débit
[italique] anonymisation
/italique/ description des éléments paraverbaux
italique traduction en français de l’original en russe

1 Par ex., CCHCP, 2023 ; DU Dialogues, 2021 ; DU Frontières, 2022 ; Ertl et Pöllabauer, 2010 ; IIM, 2023 ; INTERPRET, 2016 ;IMIA, 1995 ; MHIT, 2006.

2 Le féminin générique sera utilisé dans cet article, sauf dans la section 2 qui présente des données authentiques genrées.

3 Pour cette démonstration, voir les études portant spécifiquement sur la co-construction de l’AT, notamment celles présentées dans la section 1.

4 Malgré l’hétérogénéité des variables et des méthodologies de recherche, les résultats de ces études sont convergents.

5 L’analyse qui suit est non exhaustive étant donné les limites du volume éditorial.

6 La production paraverbale comprend les phénomènes vocaux qui accompagnent la parole, mais ne sont pas linguistiques par nature : le rire, l’

7 Pour cette démonstration, voir la littérature portant sur la construction de l’AT en contexte bilingue interprété présentée dans la section 1.

8 Les prénoms sont fictifs.

9 En raison du volume éditorial, seuls deux extraits sont présentés ici (Delizée, 2018). Trois autres extraits de la même consultation peuvent être

10 Pour des suggestions visant à réduire la focalisation des apprenantes sur la fidélité linguistique et augmenter leurs disponibilités à considérer

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Weber Orest (dir.), 2020, L’interprétariat dans la santé : études linguistiques de terrain et activités de formation, Bulletin de l’Institut de Linguistique, 31.

Anmerkungen

1 Par ex., CCHCP, 2023 ; DU Dialogues, 2021 ; DU Frontières, 2022 ; Ertl et Pöllabauer, 2010 ; IIM, 2023 ; INTERPRET, 2016 ; IMIA, 1995 ; MHIT, 2006.

2 Le féminin générique sera utilisé dans cet article, sauf dans la section 2 qui présente des données authentiques genrées.

3 Pour cette démonstration, voir les études portant spécifiquement sur la co-construction de l’AT, notamment celles présentées dans la section 1.

4 Malgré l’hétérogénéité des variables et des méthodologies de recherche, les résultats de ces études sont convergents.

5 L’analyse qui suit est non exhaustive étant donné les limites du volume éditorial.

6 La production paraverbale comprend les phénomènes vocaux qui accompagnent la parole, mais ne sont pas linguistiques par nature : le rire, l’inspiration, l’expiration, le soupir, les pleurs (O’Connell et Kowal, 2009 : 244).

7 Pour cette démonstration, voir la littérature portant sur la construction de l’AT en contexte bilingue interprété présentée dans la section 1.

8 Les prénoms sont fictifs.

9 En raison du volume éditorial, seuls deux extraits sont présentés ici (Delizée, 2018). Trois autres extraits de la même consultation peuvent être trouvés dans Delizée et Michaux (2022).

10 Pour des suggestions visant à réduire la focalisation des apprenantes sur la fidélité linguistique et augmenter leurs disponibilités à considérer d’autres aspects de l’échange, voir Ticca (2020).

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Anne Delizée, « La co-construction de l’alliance thérapeutique, un enjeu de la formation des interprètes en santé mentale », À tradire [Online], 2 | 2023, online gestellt am 21 décembre 2023, aufgerufen am 21 novembre 2024. URL : https://atradire.pergola-publications.fr/index.php?id=293 ; DOI : https://dx.doi.org/10.56078/atradire.293

Autor:in

Anne Delizée

Anne Delizée est licenciée en traduction et en philologie slave, et docteure en Traductologie, Langues et Lettres. Elle est chargée de cours (professeur associé) à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de l’Université de Mons. Elle est spécialisée en interprétation de dialogue en contexte migratoire, tout particulièrement dans le secteur de la santé mentale. Ses recherches actuelles portent sur l’agentivité de l’interprète, notamment sur le plan relationnel, ainsi que sur les processus cognitifs inhérents à l’interprétation triadique. Sur le terrain, elle est interprète de dialogue en russe-français.
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